Il est du bois dont on les fait

 

Il est du bois dont on les fait

Pour signifier qu'un homme est apte à remplir tel état, telle profession, tel emploi. Un gentilhomme breton dit un jour au maréchal de la Meilleraie, qui ne l'avait pas traité comme il pensait qu'on devait en user avec lui : Si je ne suis pas maréchal de France, je suis du boit dont on les fait. Vous avez raison, lui dit le maréchal, quand on en fera de bois vous y pourrez prétendre. Le maréchal renfermait l'expression figurée du Breton dans le sens propre, et la rendait ridicule par cette adresse.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Ils ne mangeront point un minot de sel ensemble

 

Ils ne mangeront point un minot de sel ensemble

Cela se dit de deux hommes qui ne peuvent vivre ensemble et dont les caractères sont incompatibles. Pour connaître quelqu'un, il faut avoir mangé un minot* de sel avec lui. On conçoit que celui qui est très lié avec un autre puisse à la longue avoir mangé beaucoup de sel ensemble, l'un et l'autre s'invitant au plaisir de la table, qui est l'entremetteuse de l'amitié. Le sel était, suivant Pythagore, l'emblème de la justice. Comme le sel conserve toute chose et empêche la corruption, la justice conserve de même tout ce qu'elle anime, et sans elle tout se détériore. Celui qui exerce toujours la justice envers un ami est sûr de conserver longtemps son affection. Si Pythagore exigeait la fidélité et la vérité dans les paroles, il commandait avec le même soin la justice dans toutes les actions; il ordonnait que la salière fût toujours servie sur la table, pour faire ressouvenir les hommes qu'ils doivent pratiquer cette vertu. C'est sans doute par cette raison que les païens sanctifiaient la table par la salière; ce qu'ils pouvaient avoir établi sur cette loi, que Dieu avait donnée à son peuple : Vous offrirez le sel dans toutes vos oblations. La superstition si ancienne parmi nous et qui règne encore aujourd'hui, ce préjugé populaire qui fait regarder l'action de renverser une salière comme l'annonce d'un nouveau malheur, dérive peut-être de l'opinion des Pythagoriciens, qui voyaient dans des salières renversées des présages de quelque injustice.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

*Le minot de sel se mesure ras avec la trémie. Il contient quatre boisseaux;
Le boisseau était utilisée en France avant l'instauration du système métrique, et valait 12,67 litres.
Le minot valait donc 12,67x4 = 50,68 soit environ 50 kg  ce qui permet de bien comprendre le proverbe !
(note du webmestre)

Il vaut mieux tard que jamais


Il vaut mieux tard que jamais

Mais il vaut encore mieux venir au benedicite qu'aux grâces, et, comme le dit le proverbe espagnol : Dios os salve, a las sopas que no a la carne.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Dieu vous garde d'un homme qui n'a qu'une affaire


Dieu vous garde d'un homme qui n'a qu'une affaire

Ce proverbe vous engage à vous défier de certaines gens qui craignent de ne jamais assez bien faire, et qui par cet excès même gâtent tout ce qu'ils font.

Le trop d'expédient peut gâter une affaire;
On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire :
N'en ayons qu'un, mais qu'il soit bon.
(LA FONTAINE)

Un sot veut toujours parler de son métier, parce qu'ordinairement il en est si occupé qu'il en fatigue tout le monde. L'homme sage s'occupe de son affaire sans en importuner personne. On n'est presque jamais trop fortement occupé d'un seul objet sans une disette d'idées. Cependant tout le monde se ressent des habitudes de sa profession. Le marchand ne parle pas de commerce sans parler d'intérêts, de profits; le banquier, d'escompte, d'agio; l'agent de change, de hausse, de baisse, du prix des effets et des actions; l'homme d'épée, de prouesses, de gloire et d'honneur; l'homme de robe, de lois, de procès, d'espèces, de considérants, de gloses, de commentaires. S'agit-il de maximes d'état, de principes de morale, d'axiomes généraux, chacun les applique à son état. Il en est de même d'un art, d'une science. On reconnaît l'homme à son langage habituel. Il tire presque toujours toutes les comparaisons de la vie des rapports de son état. Un peintre qui parlera de voyages, comparera les mœurs d'un peuple aux couleurs d'un tableau; un architecte, en parlant d'histoire, comparera la disposition d'une armée rangée en bataille à celle d'un édifice : de sorte que toutes les pensées et les paroles d'un individu, prennent une teinte et des nuances naturellement assorties à sa profession.

Navita de ventis, de bobus narrat arator ;
Enumerat miles vulnera, pastor ovos
                                                       
(Properce)
« Le marin parle des vents, le laboureur de ses bœufs ; le soldat compte ses blessures, et le berger ses brebis. »

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

La tricherie revient a son maître


La tricherie revient à son maître

Qui veut battre doit s'attendre à être battu. Les coups se rendent ordinairement à qui les donne, et souvent par ricochet. Deux marchands s'étaient donné parole d'enlever de compte à demi tout le hareng d'une pêche. L'un des deux, voulant en profiter tout seul, arrha toute la pêche sans le concours de son associé. Celui-ci, en ayant été averti, retint toutes les caques où se sale le hareng, de sorte que le premier, se voyant privé des moyens d'encaquer son poisson, fut forcé de venir à merci, et de subir, pour ne pas perdre toute sa marchandise, les conditions qu'il plut à l'autre de lui imposer.

La ruse la mieux ourdie
Peut nuire à son inventeur,
Et souvent la perfidie
Retourne sur son auteur.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse


Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse

Le sens de ce proverbe est qu'à force de s'exposer au danger, enfin on y succombe. L'Écriture dit sans allégorie : Qui amat periculum in illo peribit.

Qui s'expose an péril, veut bien trouver sa perte.

Ce proverbe se trouve cité ainsi : Tant va un pot à liaue qu'il rompt, dans un fabliau ou historiette de Gaultier de Coinsi, auteur qui vivait vers la fin du XIIIe siècle. Un moine, dit-il, allait voir tous les soirs avant matines une dolente (pour parler le langage de l'auteur); pour y aller, il fallait traverser une rivière; mais les diables, qui avaient résolu sa perte, le guettèrent si bien, qu'une nuit ils le firent noyer.

Tant i ala et tant i vint,
Que laidement l'en désavint ;
Tant va li pos au puits, qu'il brise.

Gabriel Meurier rend ainsi ce proverbe :

Tant va la cruche à la fontainette,
Qu'elle laisse le manche ou l'oreillette.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Ce qui est bon à prendre est bon à rendre


Ce qui est bon à prendre est bon à rendre

Cela signifie ordinairement qu'il vaut mieux se saisir d'une chose sur laquelle on croit avoir quelque droit, que de la laisser prendre par un autre, parce qu'au pis aller on est quitte pour la rendre.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

L'occasion fait le larron


L'occasion fait le larron.

On dit encore : Abandon fait le larron, grand bandon, grand larron ; ce qui revient au proverbe espagnol : En casa abierta el justo pecca. Pour bien des gens il faut une vertu éprouvée pour résister à la tentation de dérober, quand l'occasion les y invite, et qu'ils peuvent le faire aisément et sans témoins. C'est ce que l'inimitable La Fontaine exprime si naïvement dans le discours de l'âne de la fable des animaux malades de la peste.

La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense,
Quelque diable aussi me poussant.

C'est ce que l'on exprime également par ces vers :

Plus d'une probité sujette à caution,
Par l'épreuve pourrait rencontrer du mécompte :
Pour être véritable, il faut qu'elle surmonte
    Le besoin et l'occasion.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Que ce morceau me puisse étrangler !


Que ce morceau me puisse étrangler !

Imprécation proverbiale. Autrefois on donnait à ceux qui étaient accusés de vol un morceau de pain d'orge et de fromage de brebis, sur lesquels on avait dit la messe, et lorsqu'ils ne pouvaient les avaler, ils étaient convaincus de ce crime. Ducange remarque que cette façon de parler provient de cette sorte d'épreuve du pain.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

A bon entendeur salut

Un capitaine, causant avec une hôtesse qu'il trouvait à son gré, s'avisa, pour lui faire connaître le dessein qu'il avait de goûter de ses faveurs, de se mettre un quadruple sur l'un des yeux et de la regarder de l'autre. La donzelle, comprenant fort bien un langage auquel elle était déjà sans doute fort accoutumée : Monsieur, lui dit-elle, l'Amour n'est pas borgne, il est aveugle.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Conseil sans assistance est un corps sans âme

Les Espagnols disent : Consejo sin remedia es cuerpo sin aima.

Je priais l'avocat Brodeau
De me prêter trente pistoles.
Voici ce qu'en peu de paroles
Il me répondit bien et beau :
Que ne plaidez-vous quelque cause !
Rimer est une pauvre chose :
Tout l'argent court aux avocats.
Brodeau, votre prudence est grande,
L'avis est bon ; mais ce n'est pas
Un avis que je vous demande.

Dans le roman de Le Sage, intitulé Histoire d'Estevanille Gonzalès, surnommé le garçon de bonne humeur, un maître d'hôtellerie, après avoir bien traité Estevanille, croit devoir lui donner un excellent conseil, et lui dit de l'air du monde le plus sérieux : Seigneur écolier, pour prévenir les périls où votre grande jeunesse peut vous engager, j'ai jugé à propos de vous faire ce présent : en disant ces mots, il lui présenta une petite boîte dans laquelle il y avait un peloton de fil avec une aiguille qui le traversait. Surpris d'un don si singulier, Estevanille lui demanda pourquoi il le lui faisait. « C'est, lui répondit-il, pour que vous vous en serviez dans trois occasions : Cousez votre bouche quand vous serez tenté de parler mal à propos ; cousez votre gousset lorsque, par un excès de générosité, vous voudrez faire une folle dépense. Pour la troisième couture, continua-t-il, je vous la laisse à deviner » Dans le cours de la vie, combien de choses ne tiennent qu'à un fil.  

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

La moutarde lui monte au nez

Il est près de se fâcher. Les Romains usaient de la même métaphore, comme on le voit dans ce vers de Plaute :

Si ecastor hic homo sinapi victitet.

Ils pensaient d'ailleurs que le nez était le siége de la bile : Nasus bilis sedes. Fames et mora bilem in naribus conciunt. Perse a dit :

Disce, sed ira codat naso, rugosaque sanna.
                                                  (SATIR. V.)

«Écoutez-moi, mais sans colère et sans froncer le nez par un sourire moqueur.» Ce qui explique le sens du proverbe français. Nous disons en effet, lorsque quelqu'un nous a mis en colère : Il m'a ému la bile.  

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Ce n'est pas un prêté, c'est un rendu

Une femme anglaise ayant fait une infidélité à son mari, et se trouvant à la mort, lui avoua son crime, en lui demandant pardon. Je vous l'accorde, lui dit- il, à condition que vous me pardonnerez vous même de vous avoir empoisonnée.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Il est avec le ciel des accommodements

Néarque entre dans la chambré des députés avec le désir bien prononcé de n'écouter que la voix de sa conscience, et de défendre, en dépit de toutes les séductions d'un parti quelconque, les intérêts de ses commettants. Néarque n'en sort pas comme il y était entré. Il y a dans le monde des considérations majeures auxquelles la tête la plus forte et l'âme la mieux cuirassée ne sauraient résister. Tout se réunit contre lui pour triompher de ses résistances. Néarque a de l'ambition, de la vanité, une femme qui le pousse, des enfants qui le pressent, des parents qui l'obsèdent, des supérieurs puissants à qui il doit obéissance, et des amis généreux auxquels il doit protection.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Le bien nous vient en dormant

Louis XI se promenait un jour, entouré de courtisans qui l'obsédaient pour en obtenir un gros bénéfice vacant, les uns pour eux-mêmes, les autres pour leurs parents : on sait que les gens de cour et d'église sont, comme les mouches, très avides de friandises. Un proverbe italien dit : Pretri, fratri, monachi e pulli, mai non son satulli. Le roi vit par hasard un pauvre prêtre qui dormait à côté de son bréviaire. Par la pasque-Dieu, vous m'ennuyez, dit-il aux solliciteurs ; je le donne à ce pauvre ecclésiastique, pour ne pas faire mentir le proverbe qui dit que la fortune nous vient souvent en dormant. On lui annonça, en le réveillant, sa bonne fortune, et il se trouva que s'étant endormi avec son livre de patenôtres pour tout bien, il s'était réveillé avec un bénéfice de dix mille livres de rente qui en vaudraient plus de trente aujourd'hui. Louis XII disait aussi plaisamment, à ce sujet : Les chevaux courent les bénéfices, et les ânes les attrapent.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Bonjour, lunettes, adieu, fillettes

Un vieillard ne doit plus s'occuper à faire l'amour, lorsqu'il commence à porter des lunettes. Le petit dieu déteste les embarras et les ornements étrangers à ses ébats, et comme le dit fort bien Catulle :

Totus est in armis idem quando nudus amor,

La jeunesse n'aime point les rides et les cheveux blancs.

Quœ bello est habilis, Veneri quoque convertit oetas ;
Turpe senex miles, turpe senilis amor.
                                                                      ( OVIDE.)

Un vieillard décrépit qui profane par des attouchements impudiques les grâces innocentes d'une jeune fille, fait l'effet d'un scorpion qui se joue sur une rose.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

L'importunité est une teigne qui démange jusqu'au sang

Un homme de qualité, mais fort importun, demanda à Alphonse, roi d'Aragon, plusieurs faveurs que ce prince eut la bonté de lui accorder. Aussitôt que le pressant solliciteur se fut retiré, Alphonse se mit à dire : Je craignais que cet importun ne m'allât demander ma femme. Combien de faveurs, d'emplois, de charges, de distinctions, d'honneurs, sont accordés à l'importunité plutôt qu'au mérite, et combien sont à plaindre les princes qui ne savent pas résister à la première ! Il faudrait, il est vrai, pour cela qu'ils fussent doués d'une patience toute particulière, car les courtisans sont une espèce bien tenace : Tenaces homunculi !  

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Il se noierait dans son crachat

Cela se dit, par hyperbole proverbiale, d'un homme constamment pressé par le malheur. L'histoire fait remarquer que la fortune est quelquefois acharnée à persécuter certaines familles, entre autres celle des Stuart. L'exemple du président Rançonnet n'est pas moins frappant ; jamais homme n'épuisa plus que lui la coupe amère du malheur. Né avec une fortune aisée, un procès malheureux le ruina et le força de s'employer comme correcteur d'imprimerie chez les Etienne, pour pouvoir subsister. Sa vie entière fut une longue chaîne d'infortunes. Sa fille mourut de misère sur un tas de fumier, son fils périt sur un échafaud, sa femme fut écrasée par la foudre, et lui-même, mis en prison par ordre du cardinal de Lorraine, termina sa cruelle existence en se mettant une plaque de marbre sur le ventre, après a voir trop mangé d'un mets indigeste. Le malheur est la pierre de touche de l'âme.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Qui se sent morveux, se mouche

Qui se sent coupable, s'amende ou se confesse. Ce proverbe se dit lorsque dans la conversation on vient à blâmer quelque chose en général, et lorsque quelqu'un, reconnaissant que sa conscience est chargée de ce tort, s'en fait l'application à lui-même. Il vaut mieux laisser son enfant morveux que de lui arracher le nez ; il vaut mieux supporter un petit défaut dans un enfant que d'employer des moyens trop violents pour le lui ôter. On trouve dans Juvénal un passage qui prouve que l'habitude trop fréquente de se moucher, même dans l'intérieur de sa maison, était quelquefois chez les Romains une cause de divorce. Le poète nous représente un homme qui dépêche un esclave auprès de sa femme pour lui signifier son congé.

Collige sarcinulas dicet liberlus, et exi,
Jam gravit es nobis, et sœpé emungeris, exi
Ocyus ! et propera, sicco venit altera naso.

                                                    (SATIR. VI.)

«Madame, faites votre paquet, et retirez-vous : vous ne plaisez plus à monsieur, vous vous mouchez à chaque instant ; sortez donc promptement et dépêchez : nous attendons une autre femme dont le nez sera toujours sec

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

A bon jour, bonne étrenne

On se sert de ce proverbe pour exprimer qu'il arrive quelque chose d'heureux en un jour déterminé. L'usage des étrennes est des plus anciens ; il remonte presque à l'époque de la fondation de Rome. Tatius, roi des Sabins, qui régna sur les Romains conjointement avec Romulus, après la fusion des deux peuples, ayant regardé comme de bon augure qu'on lui eût fait présent au premier jour de l'année de quelques branches d'arbres coupées dans un bois consacré àStrenna, déesse de la force, convertit en coutume ce qui n'avait été que l'effet du hasard, et donna aux présents qu'il reçut depuis, au renouvellement de chaque année le nom de Strenna dont nous avons fait étrennes. A des branches d'arbres, les Romains substituèrent des figues, des dattes, du miel, symboles, comme nos confitures et nos dragées, de toutes les douceurs qu'ils souhaitaient à leurs amis pendant le cours de l'année nouvelle. Les clients joignaient une pièce d'argent, qu'ils donnaient à leurs patrons. C'était sans doute une espèce de tribut.   HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Une bonne femme, une bonne mule, une bonne chèvre, sont trois mauvaises bêtes

Alphonse, roi d'Aragon, disait que, pour voir une union et une harmonie parfaites en mariage, il faudrait que le mari fût sourd et la femme aveugle, afin que l'un n'entendît pas les criailleries de sa femme, et que l'autre ne vit point les sottises de son mari.   HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Il vaut son pesant d'or

En parlant d'un homme recommandable par ses bonnes qualités. Cette locution dérive de la coutume où l'on a été longtemps de mettre dans un des bassins d'une balance la marchandise qu'on voulait acheter, et dans l'autre le prix, en valeur métallique, qu'on en voulait donner.   HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Les envieux mourront, mais l'envie ne mourra jamais

Plusieurs grands hommes n'ont point été exempts de ce vice odieux. M. de P***, colonel de cavalerie, vieillard d'un esprit agréable et cultivé, m'a raconté que dans sa jeunesse, voyageant en Suisse pour admirer les beautés d'un pays si varié par ses sites pittoresques, il s'arrêta dans une modeste auberge de village, sur la route de Vevay. Poussé par un grand appétit, il demanda à la maîtresse de l'auberge si elle pouvait lui procurer un gîte et à souper. L'hôtesse se trouvait au dépourvu, mais elle lui dit qu'il y avait dans une chambre au-dessus une espèce d'homme singulier et fort taciturne, accompagné d'une vieille femme, qui paraissait être sa gouvernante ; qu'elle lui avait donné tout ce dont elle pouvait disposer de sa cuisine, mais qu'elle allait le prier de partager son souper avec M. de P... Elle monte aussitôt, s'adresse à l'inconnu, lui fait part de son embarras et de l'arrivée d'un nouveau voyageur qu'elle n'attendait pas. L'inconnu se disposait à faire tranquillement sou souper ; il hésite, se consulte, parle à l'oreille de la vieille femme, et répond enfin assez tristement que si la personne arrivée trouve bon de souper avec lui, il ne le trouvera pas mauvais de son côté,puisqu'il faut se résigner à la nécessité. Le message est rapporté sans commentaire à M. de P..., qui, charmé de cet acte d'obligeance qu'il n'espérait pas, escalade l'escalier, salue l'étranger, le remercie avec une grâce toute française, fait aisément, comme on peut penser, honneur à la table et à la conversation. L'air de franchise et de gaîté du nouveau venu inspire de la confiance à l'étranger. La conversation s'anime ; elle tombe, soit à dessein, soit par hasard, sur le sujet inépuisable alors, sur la merveille du siècle, sur Voltaire. Je viens de Ferney, dit M. de P..., j'ai eu l'honneur d'adresser mes hommages au patriarche et d'en avoir été parfaitement reçu. Il se met en même temps à faire un pompeux éloge des talents, du génie, des grâces et de la vivacité d'esprit du vieillard de Ferney. La figure de l'inconnu se renfrogne, la vieille rougit ; M. de P... se trouble, il croit qu'il lui est échappé quelque sottise ou quelque mot offensif. Monsieur, lui dit l'étranger d'un ton assez brusque, ce que vous dites de M. de Voltaire ne me surprend pas du tout, puisque vous n'êtes que l'écho de tout le monde. M. de Voltaire, continue-t-il en appuyant avec affectation sur ce mot, M. de Voltaire a des talents, je n'en disconviens pas, mais je crois que sous ce rapport je le vaux bien. Grand étonnement de M. de P...Monsieur de Voltaire est riche, moi je suis pauvre, monsieur de Voltaire a de magnifiques appartements, de belles voitures, une suite nombreuse, moi je marche à pied, un bâton à la main, à peu près seul, comme vous voyez, en montrant la vieille, et je vis dans une chaumière ; l'étonnement de M. de P... redouble. Monsieur de Voltaire est au sommet des honneurs et de la gloire, flatté et caressé par tout le monde ; moi je suis dans l'abjection, l'objet continuel de l'envie, trahi par de faux amis, persécute par les grands : eh bien, malgré tout cela, tel que vous me voyez, monsieur, je ne me donnerais pas pour lui. M. de P... reste confondu. C'était J. J. Rousseau. L'envie est le ténia du cœur humain.  HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Parler latin devant des clercs

Le mot clerc ou savant a donné lieu à ce proverbe, qui correspond au proverbe latin : Sus Minervam, sous-entendu docet. On disait en sens inverse mauclerc, pour désigner un homme ignorant, brutal, grossier. C'est le surnom que donnèrent autrefois les habitants de la Bretagne à Pierre, leur duc, qui, par les hommages et les soumissions qu'il fit à saint Louis, roi de France, rendit ses successeurs tributaires de ce royaume, d'indépendants qu'ils étaient, ce qui lui attira le mépris de ses sujets et les éloges de sire de Joinville, qui, en sa qualité de Français, l'excuse, et dit dans son histoire : « Je ne sais si à juste cause les Bretons lui donnèrent tel nom, parce qu'il devait être bien sage, puisqu'il avait étudié si longtemps à Paris.»  Voilà une raison qui ne me paraît pas trop péremptoire.   HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Il est du bon crème

Pour dire un peu crédule. Ce proverbe est fort ancien ; il suppose que plus le crème était bon, plus celui qui en avait été confirmé avait de foi. Il est pris sans doute ironiquement, autrement il serait tant soit peu impie.  HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

A bon entendeur demi-mot

Un neveu vole à son oncle une assiette d'argent. L'oncle pour toute punition porte la clause suivante dans son testament : Je lègue à mon neveu N... onze assiettes d'argent ; il devinera pourquoi je ne lui lègue pas la douzaine.   HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Femme qui prend elle se vend

Vénus est appelée par Homère, quod aura flectitur. Cicéron disait assez plaisamment, eu parlant des prostituées et des concubines, qu'il ne fallait que deux choses, dare et promittere, donner et promettre.  HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Ce que femme veut, Dieu le veut

Il n'est point d'esprit si bouché qui ne conçoive cette vérité digne d'être devenue proverbe. Je ne pense pas que personne puisse s'inscrire en faux contre cet axiome, qui se vérifie tous les jours sur toute la surface du globe :

En considérant la nature,
J'ai vu dans l'histoire future
Que ce que femme ordonnera ,
D'abord le Seigneur le voudra.

Une femme réchappée d'une maladie grave dit à son mari, qui en témoignait sa joie et criait au miracle : C'est un miracle, en effet, et je ne l'ai obtenu qu'en faisant un vœu que vous voudrez bien acquitter, j'espère. —Volontiers, ma chère amie ; qu'est-ce que ce vœu ? — Une bagatelle. — Mais encore ? — Je vous ai voué au blanc. — Moi ? — Oui, vous. — Allons, vous n'y pensez pas ! — Si, mon ami, j'y pense, et je suis certaine que vous ne vous ferez pas prier, car ce serait vouloir ma mort que de manquer de parole à la bonne Vierge, et elle se mit à pleurer. Calme-toi, dit le mari, dès demain je prendrai le blanc, et je le porterai tant qu'il te plaira. Le lendemain, en effet, quand monsieur vint savoir des nouvelles de madame, il était vêtu de blanc depuis les pieds jusqu'à la tête ; rien sur lui qui ne fût blanc. Je ne quitte plus cet habit, dit-il en entrant ; or, il était vêtu en Gilles. Madame, qui savait qu'elle avait affaire à un homme de caractère, le releva de son vœu.

Ou fille, ou femme, ou veuve, ou laide, ou belle,
Ou riche, ou pauvre, ou galante, ou cruelle,
La nuit, le jour, veut être, à mon avis,
Tant qu'elle peut, la maîtresse au logis.
----------
Ce que veut une femme est écrit dans le ciel.
                                                                 (La Chaussée)

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Mes amis, il n'y a pas d'amis

Fervet olla, viget amicitia.


Quand la marmite est renversée, les amis nous quittent, dit Pétrone dans le festin de Trimalcion. Si nous voulons conserver nos amis, nous devons prier Dieu tous les jours qu'il ne leur permette pas de devenir riches. Horace, dans son ode à la Fortune, tance énergiquement les faux amis :


Et vulgus infidum, et meretrix retro
Perjura cedit ; diffugiunt cadis
Cum fœce siccatis amici
Ferre jugum paviter dolosi.


«Mais le lâche vulgaire, la courtisane parjure, se retirent ; amis trompeurs, ils s'enfuient dès que l'abondance a disparu, et ne savent point porter le joug avec les malheureux.» On surprit un jour Voltaire assis devant une table, en face de plusieurs piles de doubles louis ; il les comptait d'un air joyeux, en disant :
un ami, deux amis, trois amis, ainsi de suite. Mirabeau, que la cour s'avisa trop tard de couvrir d'or pour l'attirer dans son parti, revenait un jour chargé d'une grosse somme, qui était le prix de sa vénalité ; il l'étala devant ses amis intimes, et, accordant alors son éloquence si véhémente au diapason de ce métal qui avait tant de prise sur lui, il tonnait contre la tyrannie et le despotisme, et comptait chaque rouleau en disant :
une liberté, deux libertés, trois libertés. Il pillait ainsi son roi et l'idée de Voltaire. Beaucoup gagner fait la dépense grande. Les
petits ruisseaux font les grandes rivières. On peut être richement vêtu , avoir un brillant équipage, tenir table ouverte ; le gain continu que fait un traitant, un receveur des deniers publics, soutient tout ce luxe et augmente encore leurs fonds. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

On jette des pierres dans son jardin

On se sert ordinairement de cette expression dans la société, pour dire qu'on lance des sarcasmes ou des quolibets contre quelqu'un. C'est une manière adroite de dire à une personne qu'on l'attaque, sans se servir des expressions injurieuses qui ont été employées contre elle. Moisant de Brieux, qui était de la robe, cite un long passage d'Ulpien, pour y trouver l'origine de ce proverbe. J'aime mieux raconter une historiette sur Sophie Arnould. Quelqu'un lui reprochait de se laisser entretenir par un architecte. C'est, répondit-elle, pour employer les pierres qu'on jette de tous côtés dans mon jardin.  HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Jeter des perles aux pourceaux

Dire ou donner des choses précieuses à des sots ou à des ignorants qui n'en sentent nullement tout le prix. Un ambassadeur de France à la cour de Madrid, après avoir visité la bibliothèque de l'Escurial, dit au comte d'Olivarès, qu'en reconnaissance de l'accueil gracieux qu'il avait reçu de S. M. Catholique, il lui souhaitait que tous les administrateurs de ses finances se conduisissent, dans le cours de leurs fonctions, comme les moines de l'Escurial dans la bibliothèque dont ils étaient les gardiens, parce qu'il s'était aperçu que ces bons religieux, possédant un si riche dépôt de science, aucun d'eux ne s'avisait d'y toucher seulement du bout du doigt. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Familiarité engendre le mépris

Le mépris, dit Molière, est une pilule que l'on peut avaler, mais qu'on ne saurait mâcher sans faire la grimace. Le mépris fait sur le cœur d'une jolie femme le mal que ferait un ulcère sur sa figure. Tout est quelquefois excessivement petit chez les grands. On est plus assuré de réussir auprès d'eux par des soins minutieux et de petits services, tels que ceux de présenter un fauteuil, un chapeau, ramasser un gant, tirer un cordon de sonnette pour leur épargner la peine de se lever, enfin par un cours de flatterie et de domesticité habituelles, que par l'ascendant d'un vrai mérite. Ils aiment mieux s'abaisser jusqu'à celui qui supporte patiemment leur humeur, se prête docilement à leurs moindres caprices, que de s'élever jusqu'à celui dont le talent les domine ; et leur amour-propre est flatté de la servilité du premier, qui entretient perpétuellement en eux l'idée d'une supériorité qu'ils ne doivent souvent qu'au hasard de leur naissance ou qu'aux faveurs du prince ; ils souffrent de la supériorité morale du second, qui les absorbe et les réduit à leur juste valeur. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Il ne faut pas disputer des goûts

Non de gustibus disputandum.

Cela est vrai à la lettre. Les Hottentots et les Lapons hument avec un plaisir délicieux l'odeur fétide des corps en putréfaction, et se lavent le visage et les mains avec de l'urine corrompue. Les gourmets, chez la plupart des restaurateurs de Paris, dévorent la viande faisandée, c'est-à-dire pourrie. Ce proverbe n'est pas applicable en matière de littérature. Car, comme le dit fort bien La Bruyère, il y a un bon et un mauvais goût, et l'on dispute des goûts avec fondement. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Il n'y a là ni rime ni raison

Cela se dit d'un discours extravagant, d'une chose faite en dépit du sens commun. La duchesse de Châtillon plaidait au parlement de Paris contre la comtesse de la Suze. Ces deux dames se rencontrèrent tête à tête dans la grande salle du palais. Le duc de la Feuillade, qui donnait la main à la duchesse, dit d'un ton gascon à la comtesse, qui était accompagnée de Benserade et de quelques autres poètes : Madame, si vous avez la rime de votre côté, nous avons la raison du nôtre. La comtesse lui repartit aussitôt, en faisant la mine : Monsieur, ce n'est donc pas sans rime ni raison que nous plaidons. Une dame demandant à un poète une rime pour coeffe : Il m'est impossible d'en trouver, lui dit le poète, car ce qui appartient à la tête d'une femme n'a ni rime ni raison. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828

Vin versé, il faut le boire

Un calender qui ne se souciait guère, comme beaucoup de ses confrères, d'observer le jeûne du Ramadan, faisait une infraction manifeste à la loi de Mahomet en buvant du vin. Quelqu'un lui dit : Puisque vous ne jeûnez pas, vous devriez au moins vous abstenir de boire de cette liqueur défendue. Il répondit : J'ai renoncé à la pratique d'un précepte de notre divin prophète, voulez-vous que j'abandonne encore la pratique du proverbe : Qui fait la faute, la boit ? HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Les montagnes ne se rencontrent pas, mais les hommes se rencontrent

Cela se dit par suite de la surprise que fait éprouver la vue d'une personne qu'on ne s'attendait pas à rencontrer. Ce proverbe rappelle une anecdote concernant Jean du Pont-Alais, auteur et acteur du XVIe siècle, qui, en 1510, avait l'entreprise des mystères ou représentations scéniques en usage pour les entrées solennelles des rois. Il était fort bien reçu à la cour, où il avait ses coudées franches, et fut gracieusement accueilli par Louis XII et par François Ier, qu'il réjouissait par ses plaisanteries. Il se trouva un jour près d'un cardinal qui était bossu comme lui, et il eut la malice de se placer près de cette éminence, de manière que leurs deux bosses se touchaient. Le cardinal, scandalisé de ce singulier rapprochement, en témoigna toute sa colère à Pont-Alais, qui lui dit en riant : Monseigneur, nous sommes à deux de jeu, et en position de prouver que deux montagnes aussi bien que deux hommes peuvent se rencontrer, en dépit du proverbe qui soutient le contraire. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Il ne faut pas parler de corde devant un pendu

Proverbe de l'ancien régime. Il ne faut pas réveiller les regrets et la douleur d'une personne, en présentant à ses yeux un objet ou à son esprit une idée qui lui retrace le souvenir d'une perte qui lui serait sensible, d'une action qui l'exposerait à rougir, ou d'une chose qui blesserait son amour-propre. Il faut avoir, dans la société, l'attention délicate de ne point parler de jeunesse et de beauté devant des femmes laides et âgées. Certaines femmes sont très susceptibles sur l'aveu de leur âge, et fort habiles à le déguiser en détournant sur ce point la conversation. Une coquette a toujours vingt ans ; depuis trente ans qu'elle le dit, c'est beaucoup si elle peut consentir à ajouter une unité au premier nombre : mais le temps, mais les rides, mais le miroir, que répondre à de pareils accusateurs ? Le dernier est un tribunal dont les jugements sont sans appel. Lord B..., en mari qui savait vivre, ne manquait jamais d'entrer, le premier jour de l'an, chez lady B..., en lui disant : Quel âge votre seigneurie désire-t-elle avoir cette année ? Une fois la chose convenue, lord B... avait le soin de se précautionner pendant tout le cours de l'année contre les distractions où pourrait l'entraîner malgré lui un élan trop prompt de la vérité. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Le hasard souvent fait plus que la science

C'est ce qui arrive à bien des inventions humaines. Combien de découvertes ne sont dues qu'au hasard. Les chances que nous appelons le hasard, nous servent quelquefois mieux que tout le mérite de nos travaux, et que toute la prudence de nos démarches. Lorsqu'on éleva sur son piédestal le fameux obélisque qui est devant Saint-Pierre de Rome, après des dépenses énormes, et lorsque des difficultés presque insurmontables eurent été aplanies, et que cette entreprise hardie fut sur le point d'être couronnée du succès, il survint une difficulté à laquelle on ne s'attendait pas, et qui désespéra les machinistes. L'obélisque était posé, mais il n'était pas droit. On voulut le redresser ; aucune force humaine, aidée des plus puissantes machines, ne pouvait l'ébranler ; les uns voulaient qu'on défît tout l'édifice. Sixte-Quint, auteur de l'entreprise, ne trouvait d'autre moyen que de faire pendre les machinistes. Un homme de génie se trouva là, et dit qu'il suffisait de mouiller les câbles. On sait que quand on mouille un câble il se raccourcit. L'expédient fut tenté, il réussit. Les câbles, en se raccourcissant, amenèrent l'obélisque à la position désirée. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

On n'est jamais si riche que quand on déménage

Un déménagement cause tant d'embarras, qu'on se trouve toujours plus de meubles que l'on ne voudrait. Fontenelle employa assez judicieusement ce proverbe dans la circonstance suivante : Ayant pris le prudent parti de la réforme, qui, pour les gens sages et pour ceux qui veulent aller jusqu'à cent ans lorsqu'ils sont bien constitués, est l'âge de cinquante ans, il commença par se débarrasser de sa peau de pécheur en faisant une récapitulation et une confession générale des erreurs de sa jeunesse et de son âge mûr. Lorsqu'il eut terminé son examen de conscience, qui apparemment était assez long, il dit assez plaisamment : On n'est jamais si riche que quand on déménage. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Bien danse pour qui la fortune chante

Les Italiens disent : Assai ben balla a chi fortuna suona. Il y a un enchaînement de circonstances et d'événements auxquels un homme n'aura contribué pour rien, et qui cependant tourneront à son avantage. On dira qu'il est parvenu à la fortune par son esprit et son mérite ; on le loue parce qu'il est riche ; le hasard seul aura machiné sa prospérité. La révolution n'a-t-elle pas été pour bien des gens la roue de fortune ?

Quand la fortune joue, on danse toujours bien

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Tout nouveau, tout beau

L'enthousiasme de la nouveauté est comme le premier verre de vin de Champagne : la liqueur fume, mousse et pétille ; à mesure qu'elle s'abaisse et se calme, elle perd sa volatilité. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Il ne dit les litanies que pendant l'orage

En parlant d'un homme qui ne se souvient de Dieu que dans le danger, qui ne l'implore que par la frayeur qu'il a de la mort, et qui l'oublie lorsque le danger est passé. Les Italiens disent : Passato pericolo, garbato è santo. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

N'est pas pauvre qui a peu, mais qui désire beaucoup

Tout l'or du monde, au lieu de contenter les hommes, ne fait souvent qu'irriter leurs désirs. S'il se trouve ici-bas quelque contentement, ce n'est ni dans les richesses, ni dans la pauvreté, c'est plutôt dans le milieu des deux, in medio stat virtus. Sénèque a dit avec raison : Voulez-vous être riche? ne désirez rien. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

L'effet ne suit pas toujours la menace

Le fait suivant prouve qu'il est souvent avantageux de s'endormir sur la colère. Un joueur désespéré criait, tempêtait, voulait se battre avec tout le monde. Faute de trouver un objet sur qui il pût décharger sa colère, il s'endormit de fatigue. Deux heures après, un autre forcené qui se trouvait dans la même situation le somma de se battre avec lui : Prends ma place, lui dit-il alors, dors comme moi, et nous verrons après ce que nous aurons à faire. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Qui a de l'argent a des coquilles

Quiconque a de l'argent a tout ce qui peut lui plaire. Marot fait, dans la circonstance suivante, une allusion à ce proverbe, d'autant plus fine, qu'elle porte à la fois sur deux objets et sur un jeu de mots. Coquillart, poète du XVé siècle, fameux par des vers satiriques contre les femmes, mourut de chagrin après s'être ruiné au jeu. Marot, faisant allusion aux trois coquilles d'or que cet auteur portait dans ses armes, lui a composé pour épitaphe l'épigramme suivante :

La Morre est jeu pire qu'aux quilles,
Ne qu'aux échecs, ne qu'au quillart ;
A ce méchant jeu, Coquillart
Perdit la vie et ses coquilles.

Ce qui s'entend également de son argent et de ses armoiries. On dit encore en proverbe vendre ses coquilles ; à qui vendez-vous vos coquilles, pour dire, à qui pensez-vous avoir affaire. Voici, sur ce proverbe , un petit dialogue entre deux mendiants, Guillaume et Jacques :

GUILLAUME
Tu sais bien vendre tes coquilles ;
Avec ton cul-de-jatte, abondance est chez toi.

JACQUES
Mais n'as-tu pas l'état de deux béquilles ?
Ta jambe nourrirait un roi.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Plus fait douceur que violence

Les Chinois, selon le père du Halde, ont un tribunal où chacun a le droit de citer quiconque blesse les mœurs publiques et se manque à soi-même. Un jeune homme fut traduit à ce tribunal, parce qu'il avait perdu une partie de la somme que son père lui avait comptée pour s'établir. Le mandarin, préférant la douceur à la sévérité, le retint jusqu'à ce qu'il eut appris mot à mot un livre de préceptes composé par l'empereur. C'était donner au coupable du temps pour faire des réflexions. Cependant, il ne faut pas que la douceur dégénère en faiblesse. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Il ne manque pas de chapeaux à qui a bonne tête

Il est rare qu'un homme d'esprit et de mérite tombe tout à fait dans l'indigence. Les disgrâces suscitées par une fortune ennemie peuvent l'étourdir et l'abattre un moment, mais il se remet et se relève. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Chacun a sa marotte

Un savant, désirant un jour visiter les fous renfermés aux Petites-Maisons, se présente à la porte de cet hospice. Un homme de bonne mine, vient à sa rencontre, et lui demande ce qu'il désire. Le savant lui répond qu'il aurait envie de visiter les personnes détenues dans l'hospice ; je vais vous y conduire moi-même, lui répondit cet homme. Il lui fait voir toutes les loges en lui faisant connaître le genre de folie de tous les habitants de chacune, et lui rend très exactement compte de tout ce qui regarde le régime et le gouvernement de cette maison. Ils arrivent enfin dans un lieu retiré où était un homme sérieux et plongé dans un profond silence. Oh ! pour celui-là, lui dit son conducteur, il est par sa folie au-dessus de tous les autres ; il s'est mis dans la tête qu'il est le Saint-Esprit, et sa folie est d'autant plus grande, qu'il ne peut pas ignorer que c'est moi qui le suis. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

L'opinion publique est un tyran

Opinion publique, grands mots qui ont fait une fortune prodigieuse comme les traitants et les parvenus, et qui ont le tort de composer un amalgame souvent absurde. On fait l'opinion publique ; la raison publique est toute faite. On aurait donc dû dire la raison publique. Avec cette juste définition, on aurait évité la révolution et l'horrible confusion d'idées qui en ont été la suite, et qui ont servi à bouleverser l'Europe. L'application de cet adage politique : Les rois ne doivent rien faire sans consulter l'opinion publique, date des dernières années du règne de Louis XV, et c'est bien là le premier germe de la révolution. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

De deux regardeurs, il y en a un qui devient joueur

En effet, celui qui a la curiosité de regarder au jeu, est en danger d'être excité par la cupidité ; c'est une amorce perfide que le gain que l'on voit faire aux autres. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

On ne peut bien courre et corner ensemble

Ce sont en effet deux choses qu'un postillon ne saurait bien faire à la fois. Les Lorrains disent, dans le même sens, qu'on ne peut être tout ensemble de garde et de crouée. Les Espagnols :Soplar y sorber non puede junto ser : souffler et avaler ne peuvent se faire tout ensemble; les Italiens : Non si puo tener la farina in bocca e soffiare ; on ne peut tenir de la farine dans sa bouche et souffler ; les Danois :On ne saurait prendre des anguilles et courre le lièvre en même temps. Il ne faut faire à la fois qu'une seule chose et la bien faire. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

La défiance est mère de sûreté

Ce proverbe n'est que la paraphrase de l'adage grec qu'Épicharme répétait si souvent, memento diffidere. Il faut que les proverbes soient une manière d'exprimer fidèlement et succinctement sa pensée, puisqu'il n'y a pas de livre, quelque abstrait qu'il soit, qui n'en renferme plus ou moins. Le cardinal de Retz disait qu'on est plus souvent dupé par trop de défiance que par trop de confiance : l'homme défiant est un soldat condamné à passer sa vie en sentinelle dans une guérite. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Briller dans les ténèbres

In tenebris micare.

Proverbe fort commun pour exprimer un homme de bien auquel on peut se fier sans prendre de précautions. Erasme le rapporte d'après Cicéron. Les gens de la campagne, dit ce grand orateur, au livre III de Officiis, ont donné naissance à un proverbe, lorsque, pour louer la bonne foi et la probité de quelqu'un, ils disent qu'on pourrait sans risquer jouer à la mourre avec lui dans les ténèbres. La mourre est un jeu de la plus haute antiquité. Hélène, au rapport de Ptolémée, en fut l'inventrice ; elle y joua contre Pâris et le gagna. Ce jeu est purement de hasard ; sa perfection consiste dans l'agilité des doigts. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Vin de trois feuilles, maître vin

Vinum trifolinum.

Cela se disait chez les Romains d'un vin généreux qu'on avait gardé trois ans ou trois nouvelles pousses de feuilles. Martial se sert de cette expression dans ce vers :

Non sum de primo fateor trifolina lyœo.

On appelait aussi ces sortes de vins rois ou dynastes. C'est le surnom qu'on donnait au vin de l'île de Scio, qui jouissait d'une grande réputation parmi les Grecs. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Plus pauvre qu'Irus

Iro pauperior

Irus était un pauvre de l'île d'Ithaque, qui était à la suite des amants de Pénélope et qui se trouvait probablement le jouet de leurs caprices. Par opposition on disaitCrœso ditior, plus riche que Crésus, roi de Lydie, qui possédait d'immenses richesses. Les poètes se sont souvent servi de ces deux comparaisons proverbiales.
1° Ovide dit, liv. III, élég. VII, vers 42 :

Irus et est subito qui modo Crœsus erat

« De Crésus il devient Irus » vers qui peut admirablement bien s'appliquer à tous ces spéculateurs de bourse, qui aujourd'hui nagent dans l'opulence, et le lendemain se trouvent réduits, par l'effet de ce jeu infernal, à la plus affreuse misère. 2° Properce s'exprime ainsi, élég. IV, liv. III :

Non distat Crœsus ab Iro

« Il n'y a qu'un pas de la richesse à la pauvreté. »

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Sept à table, c'est raisonnable, neuf, c'est vacarme

Septem convivium, novem convicium

C'est le sentiment de Marcus Varron, qui ne veut pas que le nombre des convives excède celui des Muses, ni qu'il soit au-dessous de celui des Grâces. Vénus réclamerait contre cette prétention, malgré l'adage numero impari gaudet. En effet, la confusion règne dans une table trop nombreuse ; chacun ne pouvant s'entretenir qu'avec son voisin, cela fait un murmure continu et un mélange de voix discordant. Le sage ne peut placer son mot ni retrouver une pensée, et, comme le disait fort bien, dans un repas, le fameux Montmaur, impatienté du bruit confus des voix, tandis qu'on ne devait entendre que le mouvement des mâchoires et le cliquetis des dents :
Taisez-vous donc, Messieurs, on ne sait ce qu'on mange.

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

C'est un Caton au-dehors, un Néron au-dedans

Intùs Nero, foris Cato
C'est une expression proverbiale attribuée à saint Jérôme, lorsqu'il voulait désigner un hypocrite. Caton était recommandable par l'austérité de ses mœurs, Néron connu par sa dépravation et sa cruauté. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Il a du foin à la corne

Fœnum habet in cornu.

Sicinnius, délateur banal qui suscitait des affaires à tout le monde, aux orateurs, même aux principaux magistrats de son temps, interrogé par quelqu'un pourquoi Crassus était le seul qu'il n'attaquait pas et qu'il laissait en repos, répondit : c'est qu'il a du foin à la corne. C'était en effet la coutume des Romains, quand il y avait des bœufs dangereux, de leur attacher du foin aux cornes, afin qu'en les voyant de loin on pût y prendre garde et s'en garantir. Ce mot de Sicinnius passa ensuite en proverbe, pour dire qu'un homme était à craindre. Horace s'en est heureusement servi en parlant des poètes satiriques (Sat. IV, liv. I) :

Fœnum habet in cornu, longè fuge.

« C'est une bête dangereuse, gardez-vous de l'approcher. »

HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Il ne faut pas se familiariser avec les valets

Omnis herus sit servo monosyllabus
Les grands ne doivent parler à leurs inférieurs que par monosyllabes ; ceux-ci ont besoin de plus longs discours et de faire de plus humbles courbettes pour demander, prier et obtenir, que pour remercier. A Rome, c'était la coutume des grands d'appeler leurs esclaves en faisant claquer leurs doigts, sans leur parler. L'affranchi Pallas, accusé d'une conspiration contre Néron, répondit avec arrogance, quand on lui nomma quelques-uns de ses affranchis pour ses complices, qu'il ne leur avait jamais parlé que par des gestes de la tête et de la main, pour ne pas se familiariser avec eux par des discours. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

L'autel ou la tribune de Lyon

Ara Lugdunensi
Juvénal cite ces mots comme un proverbe usité de son temps, dans les vers suivants :
Palleat ut nudis pressit qui caleibus onguem,
Aut Lugdunensem rhetor dicturus ad arum.

"Puisse-t-il devenir aussi pâle que celui qui, nu-pieds, marche sur un serpent, ou qu'un rhéteur prêt à monter sur la tribune de Lyon".
Il faut savoir, pour l'intelligence de ce proverbe, qu'après que Caligula eut reçu dans Lyon les honneurs de son troisième consulat, il y fonda toutes sortes de jeux, et particulièrement cette fameuse Académie nommée Athenœum, qui s'assemblait devant l'autel d'Auguste. C'était là qu'on disputait les prix d'éloquence grecque et latine, en se soumettant aux lois rigoureuses que le fondateur avait établies. Une des conditions singulières de cette institution, était que les vaincus, non seulement fourniraient à leurs dépens les prix à décerner aux vainqueurs, mais, de plus, qu'ils seraient obligés d'effacer leurs propres ouvrages avec une éponge ; et que, s'ils refusaient de le faire, ils seraient battus de verges, et même jetés dans le Rhône. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

On n'y trouverait pas la queue d'un chien

Non canem relinquere
Expression proverbiale fort usitée à Rome, pour signifier une maison dont le maître s'était ruiné par ses profusions. Cette façon de parler était aussi en usage chez les Hébreux. On la trouve dans le Livre des Rois, en parlant de la maison de Nabal ; on dit qu'il n'y serait pas resté un chien pour faire ses ordures contre la muraille, non remansisset mingens ad parietem. Je crois qu'il faut meiens. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Les honneurs changent les mœurs

Honores mutant mores.
Plotine, femme de Trajan, fut une princesse plus vertueuse que belle. Ce qu'elle dit la première fois qu'elle entra dans le palais impérial est digne de remarque. En montant l'escalier, elle se tourna vers le peuple et dit, qu'elle entrait là telle qu'elle désirait d'en sortir. Elle souhaitait que la grandeur de sa fortune ne changeât pas ses mœurs, et que, quand elle serait obligée de quitter son rang, elle pût se retrouver telle qu'elle était en le prenant ; car elle savait, disait- elle en citant le proverbe, qu'il est très difficile de ne pas changer de mœurs en changeant de fortune. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Le clou est enfoncé

C'était un proverbe chez les Romains, lorsqu'il n'y avait plus de conseils à prendre sur une affaire, de dire que le clou était enfoncé. Ils avaient la coutume de mettre un clou de diamant ou plusieurs clous de fer entre les mains de la Nécessité, pour faire entendre que tout ce qui arrive est arrêté par le destin, et qu'il est inutile de se raidir contre lui. Sa statue la représentait avec des mains de bronze, dans lesquelles elle tenait un marteau et des clous. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Société Léonine

Societas Leonina.
Dans cette société, le partage des petits est la peine et le danger ; le lot des grands et des hommes puissants, est le profit sans danger. Il est peu prudent de faire société ou de contracter une alliance avec des hommes plus puissants que soi. Le parti le plus sage est de s'abstenir de tout commerce avec les grands. Notez tout ce qu'il en coûte de bassesses, de sacrifices, de dangers, de dégoûts, pour acquérir l'amitié et la protection variables des grands ; comparez les bénéfices que vous en retirez, vous trouverez que le gain ne compense pas la dépense : promesses magnifiques, toujours attendues en vain ; protestations de services, toujours dérisoires, c'est la seule monnaie avec laquelle ils paient vos peines et votre folle confiance. Lorsque vous êtes fatigué et honteux de tant d'abnégation de vous-même, vous demandez le remboursement des avances que vous avez faites, on vous paie en révérences, en monnaie de singe ; cessez de prodiguer l'argent, on vous met à la porte. La société Léonine est également réprouvée par la morale, les lois, la justice et l'honneur. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Il se gratte la tête avec un seul doigt

Uno digito scalpit caput.
Cette expression était passée en proverbe chez les Romains pour désigner un homme mou et impudique, mollis et pathicus. Sénèque a pensé que l'habitude de se gratter la tête avec un doigt dénotait les penchants les plus manifestes à la luxure et à l'impudicité. On adressait ce reproche à César et à Pompée, qui avaient cette habitude. Juvénal a consacré cette expression proverbiale dans le vers suivant :
Qui digito scalpant uno caput.
Un autre poète a dit :
Scalpit, quid credas hunc sibi velle ? Virum.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Il a un nez de rhinocéros

Natum rhinocerontis habet.
Expression proverbiale et familière aux Romains. Un long nez, suivant eux, annonçait une grande disposition à la raillerie. Un railleur était désigné par le mot nasutus. Comme il n'est pas dans la nature d'animal qui ait le nez plus long (si on en excepte l'éléphant), ou plutôt une protubérance plus singulière que la corne qui surmonte les narines du rhinocéros, les Romains en avaient fait le type ou le caractère de la raillerie.  HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Pieds d'Achille.

Achillei pedes
Parmi les grandes qualités physiques dont Achille était doué, Homère a vanté la légèreté des pieds du héros de son Iliade. On lui avait en conséquence donné le surnom grec de Podarchès, pedibus celer. Ce héros est trop connu pour qu'il soit besoin de donner ici aucun détail sur sa personne. Je relèverai seulement une petite contradiction dans laquelle est tombée la mythologie ; elle prétend qu'Achille était invulnérable, excepté au talon, par lequel on l'avait tenu lors de son immersion dans les eaux du Styx. Cependant un fait vient la démentir : le héros, irrité du refus qu'on lui faisait de la main de Polixène, sœur d'Hector, reprit les armes, et avoua sa faiblesse à Ménélas. A la première attaque, les Troyens plièrent, Hector seul resta ferme sur le champ de bataille. Achille ayant lancé son javelot contre le conducteur du char d'Hector, celui-ci se sauva, et Achille ne put le rejoindre qu'après la mort de Patrocle. Le Troyen Hélénus, caché dans la foule, profita de l'emportement d'Achille, uniquement occupé à la recherche d'Hector, et lança contre le prince grec une flèche, qui le blessa à la main, et le mit hors de combat. Les eaux du Styx n'avaient donc pas rendu sa main invulnérable ? Au reste, cette fiction d'invulnérabilité, qui devait rendre Achille moins intéressant aux yeux des braves, n'était point admise du temps d'Homère. Cette faculté tenait sans doute à une préparation dont on enduisait la peau, afin d'émousser le tranchant du fer, comme celle qu'employaient les gladiateurs chez les Romains pour rendre la peau plus ferme et plus dure.  HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Qu'ils éprouvent le sort du génie de Temèse !

Imprécation devenue proverbe, pour dire qu'ils rendent plus qu'ils n'ont pris. En voici l'origine. Il y avait près de Temèse un génie malfaisant, dont l'analogue ne se retrouve aujourd'hui que parmi les vampires et les sangsues publiques, et qui forçait les habitans du pays à lui payer un tribut. Euthyme, athlète renommé pour sa force prodigieuse, les en délivra. Ayant trouvé moyen de pénétrer dans l'antre de ce brigand ou démon malfaisant, il l'obligea de rendre gorge bien au-delà de ce qu'il avait pris. Cette aventure a donné lieu au proverbe et doit s'appliquer à ceux qui font des gains illicites et qui ne leur profitent pas. Les Temésiens croyaient que ce mauvais génie était un des compagnons d'Ulysse, nommé Polile ou Alybante, que les habitants du pays avaient tué, pour venger l'honneur d'une de leurs filles qu'il avait outragée. Afin de l'apaiser, ils lui consacrèrent un temple, suivant l'ordre de l'oracle, et de temps en temps ils livraient à ce génie une de leurs plus belles filles. Ce fut pour la défense d'une de ces victimes dont Euthyme était devenu amoureux, qu'il combattit le génie. Chaque peuple a ses ogres et ses contes de fées.  HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Donner de l'or pour du cuivre. Donner un œuf, pour avoir un bœuf.

Ce proverbe employé par Elien, dans l'anecdote qui suit, tire son origine de l'échange que Glaucus fait avec Diomède, dans l'Iliade, chant VI. Glaucus, pour des armes d'airain du prix de neuf taureaux, donne à Diomède des armes d'or de la valeur d'une hécatombe. Voici l'historiette d'Élien : Dans le temps où Darius, fils d'Hystape, n'était encore qu'un simple particulier, Syloson, frère de Polycrate, tyran de Samos, lui avait fait présent d'une robe. Darius étant parvenu au trône, donna à Syloson la souveraineté de Samos, sa patrie ; c'est bien là, dit Élien, l'occasion d'appliquer le proverbe, de l'or pour du cuivre. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Il lui va comme un manteau à la lune.

Voici l'apologue qui a donné lieu à cette expression proverbiale : La Lune pria un jour sa mère de lui faire un manteau juste à sa taille. Eh ! ma fille, lui répondit la mère, comment cela se pourrait-il ? Tu n'es pas un seul jour dans la même forme, et tu croîs ou décrois continuellement ; ce manteau que tu me demandes ne serait plus bon dès qu'il serait fait. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Le coup du bon génie.

C'était un usage observé chez les Grecs, de boire à la fin du repas, tandis qu'on ôtait les tables, une coupe pleine de vin en l'honneur de Bacchus, comme père de la vigne. Cette coupe était appelée du bon génie ou de la divinité bienfaisante. Denys le tyran, après avoir pillé tous les temples de Syracuse, fit voile pour Trézène, où il avait enlevé toutes les richesses consacrées à Apollon et à Leucothée ou Ino, nourrice de Bacchus, entre autres une table d'argent qui était auprès du fils de Jupiter et de Latone, en disant par une plaisanterie sacrilège, qu'on vide la coupe du bon génie, c'est-à-dire, qu'on ôte la table, elle est maintenant inutile ; le dieu a dîné. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Les lions de la Grèce deviennent des renards à Éphèse.

Ce proverbe est fondé sur ces paroles attribuées à la célèbre courtisane athénienne Lamia, relativement au Lacédémonien Lysandre, qui, étant eu Ionie, abandonna les lois de Lycurgue, comme trop austères, pour s'abandonner à la vie voluptueuse qu'on menait dans l'Ionie. C'est manifestement une erreur, ce proverbe est plus ancien que le temps où vivait Lamia. Aristophane l'avait déjà employé dans la comédie de la Paix. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Il avance comme Callipides.

Proverbe auquel donna lieu un Grec nommé Callipides, qui était toujours en mouvement et qui cependant, ne parcourait pas en un jour l'espace d'une coudée. Erasme rapporte l'étymologie de ce mot de Callipides à un auteur tragique de ce nom, dont il est fait mention dans les apophthegmes lacédémoniens de Plutarque, et dont le corps exécutait des mouvements prodigieux sans changer de place ; tel on voit quelquefois dans une farce italienne un personnage représenter le plus leste des courriers sans faire un seul pas sur le théâtre. Ce fut aussi le surnom plaisant que les Romains donnèrent à Tibère, à cause de la lenteur qu'il mettait à exécuter ses projets, parce qu'en effet il semblait courir toujours et qu'il n'avançait jamais, comme l'exprime le proverbe grec. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

C'est la femme de toujours.

Pour dire, c'est toujours le même homme, le même débauché. Ce proverbe est tiré de l'Oreste d'Euripide. Hélène, femme de Ménélas, roi de Sparte, envoie sa fille Hermione faire sur le tombeau de Clytemnestre les libations ordinaires et lui offrir ses cheveux, comme c'était la coutume dans un grand et véritable deuil ; Hélène n'en coupe qu'un petit bout, plus soigneuse de conserver sa beauté, qu'affligée de faire ce sacrifice aux mânes de sa tante. Electre, sa cousine, qui voit cette réserve irréligieuse, s'écrie : O Nature ! que tu es un grand mal pour les personnes mal nées, et un grand bien pour celles que tu daignes favoriser ! Voyez, voyez cette belle affligée, comme elle coupe le petit bout de ses cheveux ; son unique soin est de conserver sa beauté ; c'est la femme de toujours ! pour dire, c'est toujours la même coquette. Les anciens attachaient une grande importance à la conservation ou au sacrifice de leur chevelure. Les Lacédémoniens entretenaient la leur avec soin, parce que, disaient-ils, elle embellit ceux qui sont beaux et fait paraître plus terribles ceux qui sont laids. Les Grecs croyaient faire un sacrifice agréable aux mânes, en déposant leurs cheveux sur les tombeaux des personnes bien aimées. Les marins, pour échapper au naufrage, vouaient leurs cheveux à Neptune et se faisaient raser. Les jeunes Romains arrivés à l'époque de la puberté, consacraient leur chevelure dans le temple d'Apollon. On sait que Bérénice, femme de Ptolémée Évergète, roi d'Egypte, promit aux dieux le sacrifice de ses cheveux, si son mari, qu'elle aimait tendrement, revenait vainqueur de l'Asie. Le vœu fut exaucé, et la princesse suspendit sa chevelure dans le temple de Mars, d'où elle fut enlevée dès la première nuit. A la nouvelle de ce larcin, le roi entra dans une violente colère ; mais Conon de Samos, non moins bon courtisan qu'habile astronome, l'apaisa en lui donnant l'assurance que Zépbyre, par ordre de Vénus, avait transporté au ciel la chevelure de Bérénice, qui devint depuis une constellation.  HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

On voit bien l'argent entrer à Lacédémone, mais on ne l'en voit jamais sortir.

Ce proverbe, dont parle Platon, voulait exprimer l'avarice des Lacédémoniens. Les règlements de Lycurgue relatifs au taux des monnaies, ne furent respectés que tout le temps que les Spartiates n'eurent d'autre ambition que de défendre et d'élever la gloire de leur pays ; mais quand l'ambition et l'amour des conquêtes s'emparèrent d'eux, et qu'ils eurent à soutenir des guerres étrangères, ils ne firent plus de cas de leur monnaie de fer, et soupirèrent après l'or et l'argent des Perses, dont ils étaient éblouis. Les circonstances excitèrent en eux l'envie des conquêtes dont les lois de Lycurgue avaient cherché à les garantir, et leur ambition, plus forte que ces lois, donna naissance à la plus sordide cupidité.  HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Les Athéniens pour la mer

C'était parmi les Grecs un proverbe commun. Les Athéniens passaient pour être supérieurs à tous dans l'art de la guerre maritime. Ils s'y adonnèrent cependant fort tard, au rapport de Thucydide ; mais les guerres qu'ils eurent à soutenir contre les Perses et leurs rivaux, leur donnèrent occasion de s'exercer à la marine et d'acquérir par leur tactique et par leurs victoires une supériorité incontestable. Il est de fait qu'ils ne commencèrent à devenir d'habiles marins que douze ans après la bataille de Marathon.  HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

Le Bélier a payé l'éducation

Le sacrifice du bélier que les Athéniens offraient tous les ans au gouverneur de Thésée, a donné lieu à ce proverbe pour signifier que les peuples ne sauraient témoigner trop de reconnaissance à ceux qui ont bien élevé les princes, et que toutes les récompenses ne sont rien, si on ne les regarde comme des dieux. Plus de 1300 ans après la mort de Thésée, les Athéniens offraient encore des sacrifices à son gouverneur ; ils honoraient aussi en même temps la mémoire de Silanion et de Parrhasius qui en avaient fait des statues et des portraits. Plutarque les loue beaucoup plus des honneurs qu'ils rendaient au premier, que de ce qu'ils faisaient pour les deux autres. En effet, quelle comparaison peut-il y avoir d'un gouverneur qui forme un prince à la vertu, à un peintre et à un statuaire qui n'en représentent que les traits et les formes du corps. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Mery 1828

A Athênes les figues succèdent aux figues

Cette expression d'Aristote est devenue proverbe. Il voulait faire entendre que la race des calomniateurs s'y multipliait tous les jours. Le sens consiste dans l'allusion au mot figue ou figuier d'où est venu le nom de sycophantes, c'est-à-dire traîtres. On désignait ainsi les dénonciateurs des Athéniens qui, au mépris de la loi, transportaient des figues hors de l'Attique. HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. de Méry 1928

Abondance de biens ne nuit pas

Maxime fréquemment répétée, mais qui n'est pas, dans son sens général, aussi vraie qu'on semble le croire. Oui, sans doute, la fortune est un avantage réel, mais seulement pour ceux qui savent en faire usage, en se montrant charitables envers les malheureux. Autrement, et aux yeux de Dieu, les richesses ne seraient plus, pour celui qui les possède, qu'un signe de malédiction.
LA FLEUR DES PROVERBES FRANÇAIS G. Duplessis 1851

C'est un homme qui ne sait ni A, ni B

Ne pas savoir lire est considéré aujourd'hui, chez tous les peuples civilisés comme le signe de la plus complète ignorance. Les anciens Romains exprimaient la même idée d'une manière un peu plus développée : c'est un homme, disaient- ils, qui ne sait ni lire, ni nager. Ils voulaient sans doute indiquer par là que l'homme doit exercer à la fois les facultés de son corps et celles de son esprit. Nous nous sommes contentés de la moitié du proverbe romain.
LA FLEUR DES PROVERBES FRANÇAIS G. Duplessis 1851


 
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