Diseurs de bons mots, mauvais caractères.
Expression de Pascal, qui est devenue proverbe; tant il est vrai que dans la société il se trouve de ces impertinents conteurs, qui troubleraient le repos d'une famille entière pour avoir te sot plaisir de lancer un quolibet. Les diseurs de bons mots ne sont pas souvent les plus sages, et, s'ils sont si habiles à débiter des sujets de scandale, c'est qu'ils ont eu la malignité de les chercher. Ce n'est pas qu'on ne puisse être sage et railler finement et avec modération, au lieu d'emporter la pièce ; mais il est si facile de contracter une mauvaise habitude, qu'on devrait se mettre en garde contre soi-même, et s'abstenir de railler plutôt que de s'exposer à pleurer après avoir fait rire les autres ;
Car tel mot, pour avoir réjoui l'auditeur,
A coûté bien louvent des larmes au railleur.
Un de ces plaisants de salons, comme on en voit tant, s'amusait aux dépens d'un homme qui avait un nez d'une grandeur démesurée; celui-ci tira un miroir de sa poche, et fit voir à l'autre qu'il était camard. Cléon était accueilli, fêté par un homme puissant; il avait son oreille et toute sa confiance; un bon mot, mal placé, l'a fait chasser honteusement et sans retour. Que ne se taisait-il? Il faut beaucoup d'esprit pour soutenir le personnage de railleur, et peu de bon sens pour l'entreprendre. Ce n'est jamais qu'aux dépens de son repos qu'on trouble celui des autres.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828
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