Qui oblige fait des ingrats.
On doit aimer à obliger tout le monde autant qu'il est possible; mais il faut le faire avec prudence, si l'on ne veut pas en être quelquefois la dupe. Un curé de village, que l'expérience avait instruit, allant dans une grande ville, fut chargé par plusieurs de ses paroissiens de leur faire une quantité d'emplettes. Chacun lui donna un mémoire en lui promettant qu'à sou retour, l'argent qu'il aurait employé lui serait rendu. Le curé se chargea de tout, et partit. Étant à la ville, il fit emplette pour une seule personne qui lui avait donné de l'argent. De retour chez lui, il remit la marchandise à celui à qui elle appartenait. Tous les autres crurent que le curé avait pareille remise à leur faire; mais il leur dit qu'il lui était arrivé un malheur : qu'ayant mis tous leurs mémoires sur sa table, le vent les avait emportés par une fenêtre, et qu'ils étaient tombés dans la rivière qui était au-dessous, à l'exception de celui d'un tel, qui en avait enveloppé son argent, ce qui l'avait empêché de s'envoler avec les autres. Ne voit-on pas tous les jours donner de ces petites commissions dont on se croit dispensé de fournir la valeur, parce qu'on semble y attacher peu ou point d'importance. Ce sont de petits effets tirés à vue sur la bourse des personnes obligeantes.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828
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