Fin contre fin n'est pas bon à faire doublure.
Le fourbe, pour en venir à ses fins, use de toutes sortes d'artifices, de ruses, de souplesses; rien ne lui coûte pour réussir : il met en usage les promesses, les protestations les plus perfides, la dissimulation la plus adroite et la duplicité revêtue de tout l'extérieur de la bonne foi.
Que ne sait point ourdir une langue traîtresse
par sa pernicieuse adresse ?
Des malheurs qui sont sortis
De la boite de Pandore,
Celui qu'à meilleur droit tout le monde abhorre,
C'est le fourbe, à mon avis.
Mais souvent il échoue contre un écueil inaperçu, ou il trouve un plus fin que lui. Rien ne me parait mieux s'appliquer à ce proverbe que l'anecdote suivante : Jason et Socin, fameux jurisconsultes de Pise, au 15è siècle, disputaient souvent ensemble sur des matières de droit. Un jour que Jason se sentait pousser à bout par Socin, il s'avisa de forger sur-le-champ une loi qui lui donnait gain de cause. Celui-ci, qui s'apercevait de la ruse, et qui n'était ni moins habile ni moins adroit que son adversaire, renversa aussitôt cette loi impromptue par une autre qui était pour le moins aussi formelle. Jason, qui n'avait jamais ouï parler d'une telle loi, somma Socin de citer l'autorité où il l'avait prise; sur quoi Socin, sans hésiter, lui dit : Elle se trouve tout auprès de celle que vous venez de citer. Cette scène divertit tout l'auditoire qui avait vu repousser si habilement une fourberie par une autre. Les Latins disent : Fallacia alla aliam trudit; les Espagnols : Con una Cautela, otra se quiebra, par une ruse une autre ruse se rompt; les Italiens : Duro con duro, non è buon a far muro, dur contre dur ne fait pas bon mur.
HISTOIRE GÉNÉRALE DES PROVERBES T1 C. De Méry 1828